Pourquoi j’ai créé une IA thérapeutique (et pas un vulgaire chatbot) après 30 ans de consultations

Il y a des chatbots qui brassent de l’air tiède, et il y a des outils qui transforment la vie des gens. La différence ?

Le premier vous demande “comment ça va ?” pour vous recracher des généralités. Le second vous met en mouvement, structure vos expérimentations, mémorise votre parcours, ajuste la stratégie et vous aide à faire, pas seulement à “parler de…”.

Après trois décennies de cabinet, j’ai voulu sortir du théâtre d’ombres et bâtir une IA thérapeutique de terrain, pensée pour l’action et la mesure.

Le décor général est connu :

  • Plus d’un milliard de personnes vivent avec un trouble de santé mentale et l’offre traditionnelle n’absorbe pas la demande.

Le besoin d’outils scalables, sûrs, fondés sur des preuves, est massif. Ce n’est pas un slogan : c’est l’état des lieux dressé par l’OMS.

Les IA thérapeutiques qui n’en sont pas : pourquoi je ne joue pas à ce jeu-là

Beaucoup de solutions IA actuelles vendent du rêve et livrent… un agenda.

Derrière le vernis, c’est un sélecteur de praticiens, un triage de formulaires, parfois une FAQ interactive. C’est utile pour la logistique, inutile pour modifier un comportement anxieux, une escalade relationnelle, une phobie sociale ou un évitement qui pourrit la vie.

Soyons clairs : les autorités de santé elles-mêmes rappellent que remplacer une thérapie par un simple chatbot conversationnel non encadré est une mauvaise idée.

Le Royaume-Uni pousse les services à utiliser des outils numériques régulés et encadrés par des cliniciens, et non des bots qui causent. Le programme NHS Talking Therapies décrit précisément la place des programmes en ligne avec un professionnel (guidés) dans l’arsenal thérapeutique.

En clair : un robot qui répond gentiment n’est pas un traitement. Un protocole numérique fondé sur des techniques validées, couplé à de la supervision clinique, peut l’être.

Ce que prouve déjà la littérature (et que j’ai voulu industrialiser correctement)

Trois choses robustes ressortent de la recherche :

  • La TCC/ICBT (thérapie comportementale et cognitive en ligne) fonctionne, surtout quand elle est guidée. Des revues systématiques et méta-analyses le répètent depuis des années. Et non, ce n’est pas moins bien que le présentiel pour de nombreux troubles courants.
  • ACT (Acceptance & Commitment Therapy) : l’efficacité traverse anxiété, dépression, douleurs, addictions, en ciblant la flexibilité psychologique. Autrement dit, apprendre à agir au service de ses valeurs même quand l’inconfort est là.

Les outils conversationnels ne sont pas magiques, mais certains usages ciblés montrent des effets (ex. étude Woebot chez étudiants). Ce n’est pas “la” solution en soi, c’est un canal dans lequel on doit faire passer des protocoles sérieux.

Côté politiques publiques, l’orientation va dans le même sens :

le NICE (Royaume-Uni) recommande des thérapies numériques validées pour l’anxiété et la dépression, afin d’augmenter l’accès et libérer du temps clinicien.

Aux États-Unis, la FDA commence à autorisé des thérapeutiques numériques (ex. app pour dépression), signe qu’on sort du gadget pour entrer dans la médecine outillée.

De la théorie aux actes : ce qu’une IA thérapeutique doit faire (et que les chatbots n’assurent pas)

1) Diagnostiquer les tentatives de solution (école de Palo Alto)

La plupart des problèmes interactionnels sont entretenus par ce qu’on fait pour s’en débarrasser :

  • Évitement,
  • Contrôle,
  • Sur-réassurance,
  • Hyper-vigilance.

L’IA doit cartographier ces cycles chez vous et dans vos relations, puis prescrire des tâches correctrices qui bousculent la logique du problème. Un bot générique ne sait pas faire ça. Il rassure, il “valide”, il vous borde preque, ce qui renforce le cycle dysfonctionnel.

2) Prescrire des expériences (pas des citations inspirantes)

Ce sont des interventions comportementales. L’IA doit planifier, calibrer, suivre et adapter ces expositions, pas vous donner un tip du jour.

3) Mesurer et boucler

Une IA thérapeutique doit mémoriser les séances, suivre vos SUDs (niveau d’inconfort), votre respect des consignes, vos rechutes, et boucler.

Si la stratégie A n’a pas d’effet au bout de X répétitions, on passe à B. Or, un chatbot qui jase ne sait pas faire du contrôle qualité thérapeutique.

4) Escalader, pas imposter

En cas de signaux de crise (idées suicidaires, mise en danger), l’IA doit céder la main (numéros d’urgence, orientation soins). Les autorités sanitaire insistent : l’IA ne remplace pas la gestion de crise. Point final.

Mon cahier des charges (anti-bullshit)

Je n’ai pas voulu une conversation sympathique. J’ai voulu un compagnon d’entraînement clinique :

  • Mémoire longue par personne, pour reprendre exactement où l’on s’est arrêté.
  • Protocoles structurés (TCC/ACT/systémique Palo Alto), déclinés en tâches répétables et mesurables.
  • Hygiène pro-thérapie (sommeil, activité, réassurance à désapprendre) intégrée au plan.
  • Personnalisation : on ne traite pas une phobie spécifique comme un TAG, ni une dispute de couple comme une crise de panique.
  • Transparence : ce que l’on fait, pourquoi, comment on saura que ça marche.
  • Garde-fous : orientation vers un pro quand les critères dépassent le périmètre.
  • Ce n’est pas un widget de rendez-vous déguisé, ni une FAQ maquillée en empathie. C’est un atelier où l’on teste, mesure, répète et consolide.

“Et les thérapeutes humains, alors ?”. Pour en finir avec la fausse opposition

On ne remplace pas l’humain. On démultiplie sa portée en déplaçant une partie du travail là où il est le plus efficace : entre deux séances, dans le quotidien, là où se fabriquent 90 % des apprentissages.

C’est (encore) ce que rappellent les programmes publics qui ont industrialisé la psychothérapie brève et ses versions numériques guidées.

Dans mon cabinet, j’ai vu mille fois la même scène :

  • La consultation se déroule bien,
  • Le patient motivé,
  • Puis la vie reprend,
  • L’évitement se faufile,
  • et la semaine suivante,
  • on reparle plus qu’on n’agit.

L’IA thérapeutique sert de rameur de fond :

  • Elle structure l’action,
  • Rend visibles les dérives,
  • Notifie les répétitions nécessaires,
  • Coupe les béquilles invisibles.

Le coach de salle versus le miroir qui parle

Le coach note vos charges, observe votre geste, vous prescrit des séries, ajuste le plan, vous rappelle de respirer, et vous revoit la semaine suivante avec un historique.

Le miroir, lui, peut dire “tu peux y arriver !”. C’est sympathique mais ça ne muscle rien ni personne.

Une IA thérapeutique digne de ce nom est un coach outillé, pas un miroir bavard.

L’atelier vélo versus le catalogue

Vous arrivez avec une chaîne qui saute (attaque de panique, conflits récurrents). Le catalogue vous montre mille vélos. A contrario, l’atelier change le maillon et vous permet de pédaler de nouveau dans la rue ou ailleurs.

Je construis des ateliers, je ne diffuse pas des catalogues.

Pourquoi maintenant ? La fenêtre est ouverte (et ce qu’elle change concrètement)

  • Capteurs et mesure : nous pouvons suivre les expositions (durée, fréquence), logguer l’humeur, visualiser la progression sans friction.
  • Guidelines & régulation : le mouvement institutionnel va vers des thérapies numériques encadrées, validées, qui complètent la clinique. On l’a vu avec le NICE et, plus largement, avec l’OMS qui appelle à industrialiser des solutions scalables.
  • Économie de l’attention : pour rivaliser avec l’algorithme qui vous aspire, il faut des protocoles plus intelligents, programmés pour votre intérêt, pas pour le temps d’écran.

“Votre IA Palo Alto”, très concrètement, fait quoi de différent ?

1) Elle cartographie vos tentatives de solution

Par exemple, elle identifie que vos demandes de réassurance calment aujourd’hui mais entretiennent l’alarme demain. Elle prescrit alors des expériences contradictoires (tolérer l’incertitude, erreurs volontaires, défocalisation).

2) Elle organise les expositions

Peur → plan, pas blabla : hiérarchie, répétitions, durées cibles, critères de succès, garde-corps (pas de béquille), consolidation. C’est l’un des ingrédients actifs les mieux étayés des TCC.

3) Elle rejoint le réel

Rappels contextualisés, micro-risques quotidiens, mise à jour automatique des preuves contraires, mesures simples (SUDs), revues hebdo pour boucler.

4) Elle n’usurpe pas la crise

Un signal passe au rouge ? L’outil n’oriente pas en interne, il passe la main : numéros officiels ou filières de soins, recommandées par les services publics.

“Mais des bots de thérapie existent déjà !” – Oui, et alors ?

Certains bots généralistes ont montré des effets modestes dans des populations ciblées (ex. étudiants) sur de courtes durées.

C’est intéressant mais pas suffisant pour répondre à la complexité des problèmes interactionnels (couple, travail, anxiété sociale, panique, évitement) où la stratégie prime sur la psycho-éducation.

Les mêmes autorités publiques qui poussent au numérique le disent : numérique ne signifie pas dire n’importe quoi. Cela doit être guidé, tracé, évalué.

Ce que l’IA change aussi côté équité

Tout le monde n’a pas les moyens ni le temps de consulter régulièrement.

Une IA thérapeutique réduit les frictions :

  • Accès 24/7,
  • Tâches brèves,
  • Rythmes compatibles avec un job ou des enfants,
  • Langage clair,
  • Pas de sermon moral.

Elle n’annule pas le besoin de soignants ; elle désengorge et prépare la thérapie humaine quand elle devient nécessaire.

Europe, France : arrêtons l’hypocrisie

En France, les approches comportementales sont recommandées pour les troubles anxieux courants. On connaît leurs ingrédients actifs (exposition, restructuration, entraînement attentionnel).

On sait aussi les dégâts des béquilles thérapeutiques mal utilisées (réassurance, évitements intelligents). Cessons de faire croire qu’un widget de prise de rendez-vous badgé “IA” fait ce travail. Il ne le fait pas.

Objections (je vous vois venir)

“Un robot n’a pas d’empathie”

C’est vrai, mais l’empathie qui n’aide pas à agir est une berceuse. Le bon outil allie ton juste et prescription utile, et sait passer le relais aux humains quand c’est nécessaire.

“Et les risques des IA ?”

Ils existent, surtout quand on vend des bots “thérapeutes” sans garde-fous.

Il y a donc un cadre clair :

  • Pas de crise gérée en bot,
  • Pas de promesses folles,
  • Conformité aux lignes publiques : numérique avec méthode, avec supervision, avec transparence.

“Pourquoi pas juste plus de thérapeutes ?”

Il en faut, évidemment.

L’OMS rappelle l’ampleur du décalage offre-demande. Si on refuse d’industrialiser les ingrédients actifs (exposition, ACT, tâches systémiques) dans des outils de haut niveau, on condamne des millions de personnes à l’attente.

Je n’ai pas créé une “IA qui parle”, j’ai construit une machine à pratiquer

Un thérapeute, ce n’est pas un distributeur de phrases ; c’est un architecte d’expériences correctrices.

Mon IA n’est pas un remplaçant, c’est une presse hydraulique qui rend praticables, chez soi, les mécanismes qui font vraiment baisser l’alarme anxieuse, décoincent les impasses relationnelles, et élargissent la vie.

Dans un monde qui confond souvent soin et conversation, je revendique le camp de l’efficacité respectueuse :

  • Moins de bla-bla,
  • Plus d’actes.

Si vous cherchez un chatbot qui comprend vos émotions, il y en a des dizaines. Si vous cherchez un dispositif qui vous aide à faire – et à tenir – bienvenue dans l’atelier.

Une véritable déclaration d’intention

Je m’appuie sur une solide expérience de 30 ans en consultation pour déconstruire les idées reçues sur les chatbots et définir un cadre rigoureux pour ce que j’appelle une IA thérapeutique.

Il ne s’agit pas de créer un simple robot qui cause, mais un outil de terrain, fondé sur la science, et conçu pour l’action.

Le cœur de mon propos est donc le passage de la parole à l’acte.

Plutôt que de simplement valider les émotions de l’utilisateur ou de lui donner des généralités, l’IA doit être un moteur de changement comportemental.

Les principes clés comme la prescription d’expériences, la mesure des progrès et la personnalisation des protocoles sont mis en avant.

Cette approche est en totale adéquation avec les thérapies brèves et comportementales dont l’efficacité n’est plus à prouver. C’est d’autant d’autant plus pertinent que cela s’inscrit dans un contexte de forte demande en santé mentale et d’une offre traditionnelle insuffisante, soulignant le rôle potentiel de la technologie pour augmenter l’accès aux soins de qualité.

Deeler.app : Une machine à pratiquer pour et au quotidien

Je viens de décire l’IA thérapeutique idéale comme un coach outillé, pas comme un miroir bavard. C’est précisément la philosophie derrière deeler.app.

Contrairement à de nombreux chatbots qui se limitent à de la conversation, deeler.app est un outil d’action conçu pour transformer la vie des gens en les aidant à appliquer des protocoles cliniquement prouvés.

L’application ne vous demande pas simplement comment vous allez, elle vous guide à travers un processus structuré pour désapprendre l’anxiété, la dépression et les phobies.

Elle vous aide à cartographier vos schémas d’évitement, à planifier vos expositions graduées et à mesurer vos progrès.

Elle ne se substitue pas au travail d’un professionnel de santé, mais le prolonge au quotidien, là où 90% des apprentissages se produisent. Deeler.app est la réponse à l’appel de l’auteur pour une IA qui ne se contente pas de parler de…, mais qui vous aide concrètement à faire, à tester, mesurer, à répéter et consolider, de sorte à reprendre la main sur votre vie.

C’est l’atelier, pas le catalogue.

Important

Pour aller plus loin dans votre réflexion, Deeler.app vous accompagne avec des exercices personnalisés et un suivi de votre évolution.

Posez votre question et obtenez une réponse immédiate.

Pas d’idée précise ? Ouvrir Deeler

Ceci ne remplace pas un avis médical. En cas de nécessité, contactez les services d’urgence.

Références

  • OMS – World Mental Health Report & mise à jour 2025 sur la charge mondiale : besoins massifs, appel à l’industrialisation de solutions sûres et scalables.
  • NHS England / NICE – Place des thérapies numériques guidées dans les services publics. Rrecommandations pour anxiété et dépression.
  • iCBT / TCC en ligne – Revue Cochrane (anxiété) et méta-analyse comparant en ligne vs présentiel.
  • ACT – Méta-analyses sur l’efficacité transdiagnostique (anxiété, dépression, addictions, douleur).
  • Bots conversationnels – Étude Woebot (étudiants). Signaux d’efficacité préliminaires sur 2 semaines, indicateurs d’acceptabilité, ce qui ne remplace pas une thérapie encadrée.
  • Santé publique France / Ameli & HAS – Repères thérapeutiques pour troubles anxieux. Rôle des TCC, mises en garde sur les médicaments au long cours.
  • Important : aucun outil numérique n’est adapté aux situations d’urgence. En cas de crise, appelez les services d’urgence (112/15 en France) ou les dispositifs nationaux d’écoute et de soins.

Il ne s’agit pas de guérir l’anxiété mais de la désapprendre (et de reprendre la main)

L’anxiété n’est pas un monstre intérieur qu’on tue à force de volonté.

L’anxiété est un détecteur de fumée déréglé. Il hurle au moindre toast un peu grillé. Le vrai travail ne consiste donc pas à désactiver l’alarme, mais à re programmer l’appareil, ainsi que votre cerveau, vos habitudes, et vos réactions.

Le présent guide à la Psychonoclast démonte les idées reçues, montre ce qui marche réellement – preuves à l’appui -, et propose un protocole concret pour sortir du cercle vicieux.

Le tout sans mantras creux ni pensées positives en spray. Que du pragmatique, du mesurable, et un peu d’irrévérence.

Pourquoi guérir l’anxiété est une fausse promesse (et une bonne nouvelle)

L’anxiété n’est pas une maladie au sens d’une simple angine. C’est un fonctionnement appris puis entretenu, où l’on confond danger et inconfort.

Trois boucles l’alimentent :

  1. Hypervigilance : le cerveau traque le risque qu’il voit partout.
  2. Interprétation catastrophiste : normalise le “et si… ?” en “ça va arriver”.
  3. Évitement / contrôle : la personne fuit, se rassure, vérifie, ou annule ce qui génère un soulagement immédiat mais non durable.

Bonne nouvelle !

Ce qui est appris se désapprend. Les thérapies dites comportementales contextuelles de type Palo Alto visent exactement cela :

  • Casser la contingence : peur → évitement → soulagement → peur renforcée.
  • Créer de nouvelles associations : peur → action différente → expérience corrective.

L’anxiété est un GPS capricieux.

Tant que vous obéissez, il prend le pouvoir. Quand vous lui prouvez – volant en main – qu’on peut passer par une autre route et arriver vivant, il cesse graduellement de hurler.

Le coût réel de l’anxiété : pas seulement “dans la tête”

Vie sociale

  • On refuse les soirées au motif que l’on est épuisé.e, on décline les invitations, on reste au calme → isolement progressif.
  • On se censure par peur du jugement, on joue un rôle, ce qui induit une fatigue sociale.

Travail

  • Procrastination par peur d’échouer, micro-contrôles sans fin, mails relus 12 fois → performance dégradée malgré l’effort.
  • Arrêts maladie, présentéisme anxieux, évitements des réunions, de la prise de parole → risque de carrière freinée.

Couple & affectif

  • Besoin de réassurance (“ça va ? tu m’aimes ?”) ce qui est facteur de conflits.
  • Évitement de situations intimes par peur du jugement corporel ou de la performance qui se meut en prise de distance.

Famille

  • Hypercontrôle parental (peur qu’il arrive quelque chose) d’où une anxiété transmise par mimétisme.
  • Climat de tension, irritabilité, éducation sous stress.

Sur le plan épidémiologique

L’OMS estime qu’environ 300 millions de personnes vivent un trouble anxieux chaque année, avec un retentissement majeur sur la qualité de vie et l’économie (arrêts de travail, perte de productivité).

Les données européennes montrent des taux comparables avec des coûts sociétaux élevés (rapports OCDE et EU-OSHA). Ces chiffres ne sont pas une fatalité. En effet, les troubles anxieux sont parmi les plus traitables lorsqu’on applique des protocoles structurés.

Ce qui marche (preuves) et ce qui entretient le problème

A. Exposition & thérapies comportementales

Il y a une pierre angulaire quand on s’approche graduellement de ce qui fait peur, sans évitement ni réassurance, pour désensibiliser et mettre à jour le cerveau.

  • Panique : exposition interoceptive (provoquer volontairement les sensations redoutées : souffle court, cœur qui bat, étourdissements).
  • Anxiété sociale : tâches comportementales (poser une question, faire une erreur volontaire, prendre la parole).
  • Phobies : hiérarchie d’expositions ciblées, répétées et prolongées.

B. Approches contextuelles : ACT (Acceptance & Commitment Therapy)

On cesse la guerre contre les sensations/émotions (qui l’amplifie), on développe la flexibilité psychologique et on agit au service de ses valeurs malgré l’inconfort.

C. Brève systémique (école de Palo Alto)

Focus sur les tentatives de solution qui nourrissent l’anxiété (évitement, contrôle, sur-réassurance), recadrages, prescriptions de tâches pour produire des expériences contradictoires au problème.

Efficacité documentée dans les problématiques anxieuses quand la stratégie remplace la rumination.

D. Médicaments (ISRS/IRSNa) : utiles au besoin, jamais seuls

Ils peuvent abaisser le volume des symptômes quand l’anxiété empêche de travailler en thérapie. Mais l’effet robuste et durable vient de la résolution comportementale (exposition, ACT, systémique). Il convient alors de suivre les recommandations (NICE, HAS), d’évaluer bénéfices/effets, et d’observer un sevrage progressif.

E. Hygiène pro-thérapie (les “boosters”)

  • Sommeil : traiter l’insomnie améliore l’anxiété (la privation de sommeil exacerbe l’alerte).
  • Exercice : 3×/semaine d’activité aérobie → réduction cliniquement significative des symptômes (Cooney 2013 – Gordon 2017).
  • Caféine/alcool : dose-dépendant. Limiter si panique ou palpitations.
  • Respiration lente (cohérence cardiaque) : outil de régulation, utile après l’exposition (pas pendant comme béquille).

Ce qui n’aide pas

  • Réassurance répétée (“ça va aller ?”)
  • Vérifications compulsives (tension, pouls, Google-diagnostics)
  • Évitements intelligents (“je me protège”)

Tout cela soulage à court-terme mais entretient le long-terme.

Un protocole en 8 mouvements (6–12 semaines)

Objectif : apprendre au cerveau que l’inconfort n’est pas un danger, et reprendre l’initiative dans les domaines qui comptent pour vous.

1) Cartographier

Listez les situations, les sensations et les pensées anxiogènes. Notez vos évitements et les réassurances. Score 0–100 de détresse (SUDs).

2) Choisir la cible utile

Prioriser ce qui rend votre vie plus agréable (travail, liens, projets). On traite l’anxiété au service de la vie, pas l’inverse.

3) Construire la hiérarchie d’exposition

Du plus facile au plus difficile en 8 à 12 étapes maximum.

Exemples

  • Anxiété sociale : dire “bonjour” à un collègue, poser une question en réunion, faire une mini-présentation.
  • Crise de panique : tourner sur une chaise 30 s, faire 30 s de jumping jacks, boire une boisson chaude, monter des escaliers.

4) Exposer assez longtemps

Rester jusqu’à ce que la courbe descende (entre 20 et 45 min). Interdiction des micro-réassurances pendant l’exercice.

5) Multiplier, varier, et abonner les béquilles

Même cible mais cadres différents puis, sans bouteille d’eau, sans chewing-gum, sans échappatoire.

6) Journal des preuves contraires

Après chaque séance :

  • Ce que j’attendais.
  • Ce qui s’est passé.
  • Ce que ça dit réellement de mon risque.

7) Micro-risques quotidiens

Un acte par jour qui contredit l’histoire anxieuse (parler, demander, oser, remettre un mail sans relecture. La confiance se fabrique.

8) Consolidation (4 semaines)

On revient volontairement à d’anciennes situations redoutées pour solidifier l’apprentissage. C’est comme un entraînement physique : on entretient.

Cas fréquents, tactiques spécifiques

Attaques de panique

  • Éviter les scanners corporels.
  • Exposition interoceptive 3 à 4 fois apr semaine (hyperventilation brève, course sur place, chaleur).
  • Sorties sans sécurité (bouteille, anxio), durées croissantes.

Anxiété sociale

  • Travail sur la peur de rougir, trembler, bégayer via des expositions ciblées.
  • Tâches de défocalisation : se concentrer sur la pièce, la personne en face (pas sur soi).
  • Petites erreurs volontaires pour casser l’exigence de perfection.

TAG (anxiété généralisée)

  • Limites au souci : créneau worry time 20 min par jour, et pas de ruminations hors-créneau.
  • Passer du “et si ?” à “quoi faire si” (plan d’action rationnel).
  • Expositions à l’incertitude (laisser un mail sans relecture, ne pas vérifier une info).

Phobies spécifiques

  • Exposition grande vitesse possible (one-session treatment) si la motivation est forte.
  • Principes identiques : répéter, prolonger, varier.

Et si je rechute ?”. Vous êtes un être humain, pas un robot

Rechuter n’est pas échouer. A ce propos, n’oublions que la meilleure façon de réussir c’est d’échouer.

Du coup, on remonte la hiérarchie 2 à 3 niveaux, on re-expose, on évite de redéployer les béquilles. La courbe remonte un peu, et redescend plus vite.

Dans les programmes publics (ex : IAPT au Royaume-Uni), les taux de recovery sur les troubles anxieux oscillent de 45 à 55 %, avec des gains maintenus si l’on continue de pratiquer les compétences apprises.

Europe & monde : ce que font les pays qui réduisent l’anxiété à l’échelle

Royaume-Uni

(IAPT/NHS Talking Therapies) : Accès rapide à la TCC/ACT guidée, i-CBT (TCC en ligne) validée scientifiquement, mesure des résultats à chaque séance.

Pays nordiques / Australie / Canada

Programmes d’exposition structurée, plateformes digitales, implication des employeurs (prévention secondaire).

France

Offres hétérogènes mais forte montée des thérapies brèves et des approches numériques. La clé consiste à standardiser les protocoles et à les évaluer.

Méta-analyses i-CBT

Effets comparables à la thérapie en présentiel pour beaucoup d’anxiétés, surtout si un guidage humain est présent (Carlbring & Andersson, 2018 ; Păsărelu et al., 2017).

Plan d’action : 7 jours pour relancer la dynamique

  • Jour 1 : cartographie anxiété/évitements + valeurs (ce qui compte vraiment).
  • Jour 2 : hiérarchie d’expositions (10 items).
  • Jour 3 : première exposition (niveau 3/10), 30 min, sans béquille(bouteille d’eau, mdicaments, etc.).
  • Jour 4 : répétition + micro-risque social (demander une info, appeler plutôt que mail).
  • Jour 5 : une exposition interoceptive (panique) ou erreur volontaire (social).
  • Jour 6 : sortie “sans sécurité” (10–20 min).
  • Jour 7 : bilan, preuves contraires, préparation semaine 2 (2 expositions planifiées).
  • Répétez pendant 4 à 8 semaines. Mesurez : SUDs, temps d’exposition, domaines réouverts (travail, couple, amis).

Quand et qui consulter ?

  • Si l’anxiété rétrécit votre vie (travail, liens, santé), si vous évitez beaucoup, si vous prenez des risques (alcool, benzodiazépines), il ne faut pas hésiter à consulter.
  • Cherchez des pros qui pratiquent l’exposition, l’ACT ou, mieux, l’approche systémique brève. Il faut leur demander comment ils travaillent (protocole, tâches, mesures).
  • En cas d’idées suicidaires, de consommation excessive voire dangereuse de substanes psychocatives ou d’effondrement fonctionnel, consulter le SAMU/112 (ou numéro national d’écoute de crise selon votre pays).

L’’anxiété n’a pas besoin de poésie, mais de preuves et d’actes

En matière d’anxiété, vous n’avez pas un mental faible. Vous avez un apprentissage fort, entretenu par des stratégies logiques  de type évitement et contrôle qui marchent à l’envers.

Le traitement ne consiste pas à écraser la peur, mais à faire ce qui compte vraiment malgré la peur, jusqu’à ce qu’elle se taise faute d’autoroute.

Règle d’or

Fuir les débats internes, et privilégier les d’expériences dirigées : 90 % des progrès viennent de ce que vous faites entre les séances.

Si vous voulez un compagnon de route H24/7 pour planifier vos expositions, consigner vos preuves, et éviter les béquilles déguisées, un assistant comportemental peut vous aider à tenir le cap (ex. outil d’accompagnement en ligne comme Deeler.app).

L’important n’est pas l’outil, mais la discipline douce et régulière.

Important

Pour aller plus loin dans votre réflexion, Deeler.app vous accompagne avec des exercices personnalisés et un suivi de votre évolution.

Posez votre question et obtenez une réponse immédiate.

Pas d’idée précise ? Ouvrir Deeler

Ceci ne remplace pas un avis médical. En cas de nécessité, contactez les services d’urgence.

Références utiles

  • WHO World Mental Health Report (2022) – OECD Fitter Minds, Fitter Jobs (2021) – EU-OSHA (2014–2022).
  • Méta-analyses : TCC/exposition = effets forts et durables dans panique, phobie sociale, phobies spécifiques, TAG. (Hofmann et al., 2012 ; Carpenter et al., 2018 – Norton & Price, 2007)
  • Hofmann SG, Asnaani A, et al. “The Efficacy of Cognitive Behavioral Therapy : A Review of Meta-analyses.” Cognit Ther Res (2012).
  • Carpenter JK, et al. “Cognitive Behavioral Therapy for Anxiety and Related Disorders: A Meta-Analysis.” J Anxiety Disord (2018).
  • Norton PJ, Price EC. “A meta-analytic review of adult CBT for anxiety disorders.” J Nerv Ment Dis (2007).
  • A-Tjak JGL, et al. “A meta-analysis of ACT.” Behav Res Ther (2015).
  • Twohig MP, Levin ME. “Acceptance and Commitment Therapy as a treatment for anxiety and depression.” Cogn Behav Pract (2017).
  • Carlbring P, Andersson G. “Internet-based cognitive behavior therapy.” Scand J Psychol (2018).
  • Cooney GM, et al. “Exercise for depression/anxiety.” Cochrane (2013) ; Gordon BR, et al. Depress Anxiety (2017).
  • NICE Guidelines (GAD, Panic, Social Anxiety, 2020 – 2022).
  • WHO World Mental Health Report (2022).
  • OECD Fitter Minds, Fitter Jobs (2021).

L’incarcération de masse : La surpopulation carcérale est un facteur de dépression, de phobie sociale et de récidive

L’incarcération de masse : quand la sécurité fabrique l’angoisse et la phobie sociale

On présente la prison comme un digicode magique : on enferme, bip, la société se sent mieux.

En réalité, l’incarcération de masse ressemble davantage à un hangar où l’on empile des palettes humaines, sans plan d’architecture ni sortie de secours.

La surpopulation carcérale n’est pas un dommage collatéral : c’est un mécanisme qui broie la santé mentale – dépression, anxiété, phobie sociale – puis qui réinjecte cette détresse dans la société à la sortie.

Pendant ce temps, des décideurs recyclent une culture de l’hyper-sécurité pilotée par des tableurs et algorithmes datés, pour répondre à un sentiment d’insécurité savamment entretenu.

Ce qui est excessif devient insignifiant : construire toujours plus de places et entasser toujours plus de corps n’a jamais été une politique de sécurité. C’est une politique d’insécurisation.

Une sirène d’alarme collée au plafond. On la déclenche pour rassurer. À force de hurler, plus personne n’entend les vraies flammes. En revanche tout le monde vit en stress.

De quoi parle-t-on : des chiffres avant les slogans

France et Europe : la surpopulation carcérale est devenue la norme

La France a battu record sur record en 2024–2025. Plus de 84 000 personnes détenues fin juin 2025, avec des taux d’occupation qui dépassent 130 % dans de nombreux établissements, certains établissements frôlant ou dépassant ponctuellement 200 % dans les maisons d’arrêt.

L’OIP (Observatoire international des prisons) alerte mois après mois sur cette fuite en avant.

Au niveau européen, le Conseil de l’Europe (rapport SPACE I 2024) constate une hausse de la population carcérale et des densités carcérales en augmentation dans de nombreux pays.

Au 31 janvier 2024, plus d’un million de personnes étaient détenues dans 51 administrations pénitentiaires, avec un taux médian de 105 pour 100 000.

Pour situer la France, mi 2025, le World Prison Brief la donnait autour de 124 détenus pour 100 000 habitants, loin des sommets mondiaux mais avec une densité problématique en maisons d’arrêt, c’est-à-dire précisément là où la détention provisoire et les courtes peines se cumulent.
Prison Studies

Condamnations et obligations

En 2020, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, J.M.B. et autres c. France) a condamné la France pour conditions de détention indignes et demandé des mesures générales pour éliminer durablement la surpopulation et instaurer des voies de recours effectives. Ce n’est pas un papier d’humeur : c’est un arrêt pilote qui acte un problème systémique.

Pourquoi la surpopulation rend malade (et insécurise, paradoxalement)

Le terrain scientifique est unanime

Les prisons concentrent des taux élevés de troubles mentaux :

  • Dépression,
  • Anxiété,
  • Psychoses,
  • et troubles liés aux substances.

Une méta-analyse de Fazel & Seewald (24 pays, 33 588 prisonniers) estimait déjà en 2012 des prévalences de psychose autour de 3,6 – 3,9 % (hommes/femmes), bien supérieures au milieu libre.

Des travaux récents confirment la charge : environ 11 à 13 % de dépression diagnostiquée en population carcérale non sélectionnée, et ~4 % de psychose. Les troubles liés à l’alcool et aux drogues restent massifs.

En Europe, la base HIPED (OMS/Europe) indique que, parmi les pays rapportant ces données, près d’un tiers des personnes détenues vivent avec un trouble de santé mentale, et que le suicide est la première cause de mortalité rapportée en prison.

Aux États-Unis, le Bureau of Justice Statistics rapporte qu’environ 27 % des détenus d’États se sont vu diagnostiquer un trouble dépressif majeur. Près de la moitié des personnes concernées ont un historique de trouble mental.

Ces ordres de grandeur se retrouvent, avec des nuances, dans d’autres pays à forte population carcérale.

Le mécanisme : surcharge → stress toxique → effondrement social

La surpopulation signifie moins d’espace personnel, plus de bruit, plus d’attente (soins, douches, appels), plus d’agression réelle ou anticipée, et moins de programmes utiles (travail, formation, santé mentale).

Les facteurs sont bien documentés :

  • Perte d’autonomie,
  • Rupture des liens familiaux, imprévisibilité, punitivité, violences subies/observées.

Ils abîment la santé mentale, nourrissent la dépression, l’anxiété et des troubles du sommeil massifs.

La surpopulation nourrit en outre une phobie sociale apprise :

  • HHypervigilance,
  • Évitement des interactions (pour ne pas faire d’histoires),
  • déconditionnement relationnel.

Résultat

A la sortie, on craint les foules, on évite les guichets, les démarches, les transports. Du coup, on rechute faute d’accroche sociale.

Les revues OMS et BMC/Psychology convergent : le milieu carcéral, surtout surpeuplé, est intrinsèquement délétère pour la santé mentale, et l’isolement (formel ou informel) aggrave le tableau.

Hyper-sécurité : le mythe qui fabrique l’insécurité

La politique du nombre

Depuis vingt ans, la réponse réflexe face au sentiment d’insécurité consiste à incarcérer plus et plus longtemps, souvent via des peines courtes et des détentions provisoires élargies.

Or, les pays qui saturent leurs prisons récoltent surtout des prisons saturées.

En Angleterre et au pays de Galles, la crise d’engorgement 2024/2025 a forcé le gouvernement à improviser des dispositifs de libération anticipée et de limitation des rappels pour tenir la digue ce qui constitue une reconnaissance implicite que l’outil est cassé.

Les algorithmes et tableurs qui gouvernent

Par confort technocratique, on délègue le pilotage à des logiciels de gestion (prévision d’occupation, calculs de peine) et à des scorings de risque hérités d’un autre âge.

Ils rassurent les tableaux de bord, pas la réalité. Le résultat est connu :

  • Erreurs massives de calcul de peines,
  • Libérations trop tôt ou trop tard dans des systèmes saturés.

Autant de symptômes d’un pilotage à l’aveugle.

Pourquoi c’est contre-productif

En criminologie, on sait que les courtes peines en milieu surpeuplé augmentent la récidive par désaffiliation (perte de logement, d’emploi, de liens) et par contagion des risques (traumatismes, dette, addictions).

Construire sans cesse de nouvelles places n’absorbe qu’un temps la pression : comme toute capacité, elle appelle son propre remplissage (effet de cliquet). Pendant ce temps, les coûts explosent (constructions, personnels, santé), et le climat social se détériore.

Ce que disent les comparaisons internationales

États-Unis

  • Taux d’incarcération parmi les plus élevés de l’OCDE.
  • Charge psychiatrique très importante en détention.
  • Part élevée de troubles liés à l’alcool et aux drogues.

Les données BJS confirment des niveaux de dépression diagnostiquée et de détresse psychique très supérieurs à la population générale.

Europe

Le Conseil de l’Europe alerte sur la reprise à la hausse de la population carcérale et sur les densités. Des pays ont restreint certains dispositifs addictifs in-game (loot boxes) par analogie avec les jeux d’argent ; le parallèle ici est utile : quand on réduit les facteurs de risque en amont, on réduit la pression carcérale en aval.

Monde

Des études en Europe, Asie et Amérique latine confirment le lien entre surpopulation, qualité de vie carcérale et dépression (y compris chez les jeunes détenus).

L’OMS/Europe insiste sur des cadres de soins adéquats et des liaisons santé avec l’extérieur, faute de quoi la prison devient un accélérateur de pathologies.

L’addition psychosociale (qu’on refacture à la société)

Santé mentale et somatique

  • Dépression,
  • Anxiété,
  • Troubles du sommeil,
  • Douleurs,
  • PTSD,
  • Troubles liés aux substances.

Une revue 2024 estime :

  • ≈11 % de dépression diagnostiquée,
  • ≈10 % de PTSD,
  • ≈4 % de psychoses,
  • de 24 à 39 % d’addictions (alcool/drogues) à l’entrée.

Ce n’est pas marginal : c’est structurel.

Liens sociaux

  • Perte de logement,
  • Perte d’emploi,
  • Détérioration des liens familiaux,
  • Stigmatisation à la sortie.

Plus la prison a été serrée (surpopulation), plus la phobie sociale à la sortie est marquée :

  • Éviter les lieux clos,
  • Fuir les interactions,
  • Fuir les services publics,

sont autant d’obstacles au retour à la vie.

Coût public

  • Surcoûts médicaux,
  • Reconvocations judiciaires,
  • Récidive évitable,
  • Chantiers d’extension permanents.

Tout cela pour un rendement sécuritaire discutable.

Comme au Royaume-Uni en 2025, les administrations finissent par reconnaître qu’il faut décongestionner en amont (peines alternatives, aménagements), faute de quoi le système casse.

Objections courantes (et pourquoi elles ne tiennent pas)

Il faut des peines sévères pour dissuader

La sévérité impressionne l’opinion. La certitude et la rapidité de la réponse sont pourtant plus dissuasives. Or, un système surpeuplé est lent, erratique et opaque, le contraire de la certitude.

On n’a pas le choix : il faut construire

Construire peut être nécessaire pour rendre de la dignité, pas pour remplir. L’expérience européenne montre qu’en l’absence de réformes amont (peines courtes, détention provisoire, addictions, santé mentale), la capacité sature à nouveau.

Les alternatives, c’est du laxisme

Les pays qui ont investi dans des peines non carcérales structurées (travail d’intérêt général sérieux, probation outillée, soins contraints quand il le faut) obtiennent souvent moins de récidive pour moins cher, et moins de dégâts psychiques.

Que faire maintenant ? 10 mesures concrètes (sécurité + santé)

1) Un moratoire intelligent sur les peines très courtes

Remplacer les peines < 3–6 mois par des sanctions communautaires intensives (surveillance électronique, TIG qualifiés, programmes de réparation), pour casser le turn-over toxique qui engorge les maisons d’arrêt.

2) Détention provisoire : dernier recours

Strictement encadrer l’usage de la préventive (qui explose les densités). Accélérer les délais de jugement pour éviter le provisoire permanent.

3) Santé mentale : in-reach et continuité de soins

S’aligner sur les cadres OMS/Europe :

  • Dépistage à l’entrée,
  • Équipes de santé mentale intégrées (psychiatres, psychologues, addictologues),
  • Passerelles avec le secteur libre à la sortie (rendez-vous programmé, droits ouverts).

4) Addiction : traiter comme un problème de santé

Évaluer systématiquement la problématique alcool/drogues (prévalences élevées) et proposer des soins fondés sur preuves, pendant et après l’incarcération :

  • Thérapie comportementale Palo Alto,
  • TCC,
  • TND,
  • Substituts,
  • Thérapies de groupe.

5) Architectures anti-surpopulation

Fixer des seuils plancher d’espace vital par personne, déclencheurs automatiques (interdiction d’incarcérer au-delà d’un taux X, sauf crimes graves), et transparence publique temps réel des densités.

6) Données et gouvernance : sortir du logiciel zombie

  • Audit des outils de calcul et d’aide à la décision.
  • Publication des erreurs et corrections.
  • Comité scientifique indépendant (criminologues, cliniciens, data scientists).
  • Objectifs centrés sur les récidives, la santé, la réinsertion, pas sur le taux d’occupation.

Les fiascos de calculs de peines dans des systèmes saturés montrent l’urgence du débogage démocratique.

7) Staff : former et protéger

  • Renforcer la formation aux troubles mentaux, au suicide, à la dé-escalade.
  • Ratio personnel/détenus compatible avec une prison vivable.

La santé mentale des personnels est un levier de sécurité.

8) Justice des femmes et des mineurs

  • Développer alternatives spécifiques (mères, femmes enceintes, mineurs).
  • Pour les jeunes, petites unités éducatives et soins (les études sur jeunes détenus montrent la vulnérabilité particulière en surpopulation)

9) Rendre obligatoire la sortie debout

Avant la libération

  • Logement,
  • Santé,
  • Revenus,
  • Papiers / check-list contraignante.

Une personne qui sort sans ces filets retombe dans la phobie sociale et la rechute.

10) Un récit public qui arrête d’exciter la peur

Cesser la politique du thermomètre cassé : on ne gère pas l’insécurité avec de l’insécurité psychique. Parler d’efficacité, pas d’émotions. Mesurer ce qui calme durablement la violence : soins, liens, travail, cadre.

Regards croisés : pays qui ont tenté autre chose

Royaume-Uni (2025) : la crise qui force l’honnêteté

Prisons quasi pleines (≈99 %). Un gouvernement poussé à limiter certains rappels et à envisager des réformes de peine pour désengorger, ce qui est la preuve que construire ne suffit pas.

Conseil de l’Europe : l’aiguillon des SPACE

Les rapports SPACE ancrent une évidence. Sans gouvernance et alternatives, la capacité se remplit. Sans standards sanitaires, la santé explose.

OMS/Europe : un cap sanitaire

Les cadres Prisons & Health et HIPED donnent un mode d’emploi pour que la prison ne soit pas un accélérateur de dépression :

  • Repérage,
  • Soins,
  • Continuité du suivi,
  • Pilotage par données.

C’est du pragmatisme, pas du laxisme.

Vendin-le-Vieil : quand la fermeté réinvente la barbarie d’État

La mise en scène de l’exception

En avril 2025, Vendin-le-Vieil ouvre ses portes avec la solennité d’un nouveau produit de luxe :

  • 48 places,
  • Régime fermé,
  • Cellules individuelles de 9m²,
  • Surveillance H24.

Le marketing ministériel parle de centre pénitentiaire spécialisé pour très haute sécurité.

En réalité, on assiste à la résurrection des Quartiers de Haute Sécurité (QHS), ces mouroirs judiciaires officiellement supprimés en 1981 pour traitements inhumains et dégradants.

L’opération de communication est rodée. On ne dit plus QHS, on dit « régime fermé adapté ». On ne dit plus « isolement », on dit « encellulement individuel renforcé ».

Les mots changent, la cage reste identique.

L’illusion de l’efficacité par la souffrance

Darmanin et Retailleau ont vendu Vendin-le-Vieil et Condé sur Sarthe (ouverture prévue en octobre 2025) comme la solution au narco banditisme.

Le raisonnement consiste à infliger des conditions si dures que la peur dissuadera les candidats au trafic. C’est exactement l’inverse de ce que disent quarante ans de criminologie : l’exemplarité par la cruauté ne fonctionne pas, elle brutalise.

Cette logique révèle surtout l’impuissance politique face aux racines du problème. Plutôt que de s’attaquer aux inégalités territoriales, à l’économie souterraine, aux filières d’approvisionnement, on construit un spectacle pénal.

Message subliminal : « Voyez comme nous sommes fermes« 

Le déni des causes structurelles

Les trafiquants de Vendin-le-Vieil ne sont pas tombés du ciel. Ils viennent de territoires abandonnés, d’écoles en échec, de familles éclatées par la précarité.

L’argent du trafic comble un vide : reconnaissance sociale, revenus, appartenance. Leur enfermer la tête dans un sac de torture ne résoudra rien de ces déterminants.

Au contraire, cette violence d’État légitime symboliquement la violence de rue. Quel est le message envoyé aux quartiers ? « L’État aussi pratique la loi du plus fort ».

C’est un cadeau fait aux recruteurs. Désormais, ils peuvent pointer l’hypocrisie institutionnelle.

L’héritage toxique des QHS

Les anciens QHS ont produit quoi ? Des hommes brisés, des suicides, des révoltes, et zero impact sur la délinquance.

Les témoignages d’anciens détenus décrivent l’effondrement psychique :

  • Hallucinations,
  • Perte de repères temporels,
  • Automutilations.

Certains n’ont jamais récupéré leur équilibre mental.

Vendin-le-Vieil reproduit cette logique avec un habillage moderne :

  • Caméras HD au lieu de judas, mais même isolation sensorielle.
  • Même pari stupide : casser un homme pour prétendre le rééduquer.

La complicité du silence

Quel est le plus troublant dans cette affaire ? Le consensus mou qui l’entoure.

Peu de voix s’élèvent contre cette régression :

  • Les syndicats pénitentiaires applaudissent (« enfin des moyens »),
  • L’opinion approuve (« ils l’ont cherché »),
  • Les médias banalisent (« mesure de sécurité »).

Cette indifférence révèle combien nous avons intériorisé l’idée que certains humains méritent d’être déshumanisés. Dès qu’on colle l’étiquette « narcotrafiquant », la torture devient acceptable, voire souhaitable.

L’échec programmé

D’ici à cinq ans, Vendin-le-Vieil et Condé sur Sarthe auront coûté des millions, brisé des dizaines de détenus, et le trafic aura continué.

Les caïds emprisonnés auront été remplacés par d’autres, souvent plus jeunes et plus violents. Les structures criminelles se seront adaptées.

Mais peu importe : l’objectif n’était pas l’efficacité, c’était le symbole. Montrer qu’on fait quelque chose, même si ce quelque chose aggrave le problème.

A ce propos, il est important de rappeler que malgré les condamnations de la CEDH et les rapports SPACE, certains discours politiques continuent d’exploiter la peur par réflexe électoraliste.

L’abcès et le bistouri

Un chirurgien qui découvre un abcès ne s’acharne pas sur le pus : il traite l’infection.

Vendin-le-Vieil, c’est s’acharner sur le pus en laissant l’infection se propager. Une politique de gribouille vendue comme une prouesse technique.

Combien de Condé-le-Vieil faudra-t-il construire avant d’admettre qu’on soigne mal en torturant ?

Ce qui se passe dans la tête (et dans le corps) d’un détenu sur-exposé

Neuro et clinique

  • Surpopulation,
  • Bruit,
  • Promiscuité,
  • Menaces,
  • Imprévisibilité,
  • Le cerveau passe en hyper-vigilance (amygdale) et sécrète du cortisol en continu,
  • Le sommeil se casse,
  • La dépression s’installe (anhédonie, fatigue, ruminations).

L’évitement social devient stratégie de survie, puis habitude. À la sortie, l’espace public angoisse.

Récit

Un homme qui ne dort pas depuis des semaines parce que son co-détenu hurle la nuit n’a pas besoin d’un sermon sur la responsabilité. Il a besoin d’air, de soins, d’écoute.

La sécurité commence par ça.

La serre contre l’entrepôt

Dans une serre, on règle l’humidité, la lumière, l’espace. La plante pousse. Elle est contrainte mais vivante.

Dans un entrepôt, on empile. Ça tient jusqu’à ce que ça tombe.

Nos prisons sont devenues des entrepôts. On veut de la sécurité ? Alors, bâtissons des serres, ces lieux où la contrainte n’écrase pas la santé mentale et prépare la sortie, pas le retour.

La surpopulation carcérale n’est pas un indicateur de fermeté. C’est un symptôme de dysfonction.

Tant qu’on répondra à l’insécurité par des politiques qui fabriquent de l’insécurité psychique, on entreposera la souffrance et on la remettra à ciel ouvert, aggravée, à la sortie.

Moins d’entrepôts, plus de serres : c’est une éthique, et une stratégie de sécurité.

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Ceci ne remplace pas un avis médical. En cas de nécessité, contactez les services d’urgence.

Références

  • OIP – Nouveau record du nombre de personnes détenues (84 447 au 30/06/2025). (oip.org)
  • The Telegraph – France’s prison population reaches record high (occup. ≈133,7 %, 83 681 détenus, 05/2025).
  • World Prison Brief – France (taux ≈124/100 000, 07/2025).
  • Conseil de l’Europe – SPACE I 2024 (tendance à la hausse, 1 021 431 détenus, taux médian 105/100 000).
  • CEDH – J.M.B. et autres c. France (2020) : condamnation et mesures générales contre la surpopulation.
  • Fazel & Seewald (2012) – Méta-analyse mondiale, psychoses ~3–4 % en prison.
  • WHO/Europe – HIPED (prison health data) : ~1/3 de troubles mentaux rapportés. Suicide comme première cause de décès (OMS).
  • Favril et al., 2024 (Lancet Public Health) : dépression ~11 % – PTSD ~10 % – Psychose ~4 % – Addictions fréquentes à l’entrée.
  • BJS (USA) – Indicateurs de santé mentale (2021) : 27 % dépression diagnostiquée chez détenus d’États. ≈43 % avec historique de trouble mental.
  • BMC Psychology, 2023 – Facteurs de détérioration (déconnexion, perte d’autonomie, violences, surpopulation).
  • Prisons and Health (cadres, bonnes pratiques) (OMS, Organisation mondiale de la santé).
  • UK 2025 – Réformes d’urgence face au quasi-plein (ex. rappels limités) (The Guardian).
  • Inspection UK – Erreurs de calcul de peines dans un contexte d’engorgement (ex. HMP Pentonville) (The Times).

La procréation médicalement assistée : Les difficultés à avoir un enfant peuvent être un facteur d’angoisse et de dépression

La procréation médicalement assistée : quand le désir d’enfant devient un marathon d’endurance émotionnelle

On nous vend la Procréation Médicalement Assistée (PMA) comme un couloir bien éclairé menant à la maternité. En réalité, c’est souvent un labyrinthe :

  • On y tourne avec espoir,
  • On s’y cogne avec l’angoisse,
  • On s’y perd parfois pour cause de dépression.

La PMA n’est ni une garantie ni un raccourci. C’est une médecine de l’incertitude posée au cœur de l’intime.

Ici, il ne s’agit pas d’opposer pas médecine et psyché mais de montrer comment la difficulté à concevoir et le parcours de PMA peuvent fabriquer (ou aggraver) :

  • Angoisse,
  • Isolement,
  • Conflits,
  • et ce que la science et l’expérience suggèrent pour protéger la santé mentale.

Le sablier truqué

Dans l’infertilité, le temps n’avance pas : il tombe. Chaque mois, c’est la même scène :

  • Espoir,
  • Calculs,
  • Examens du moindre symptôme,
  • Puis chute des grains et de retourner le sablier.

PMA, de quoi parle-t-on (vraiment) ?

Définitions en clair

L’infertilité désigne l’absence de grossesse après 12 mois de rapports réguliers non protégés (6 mois si > 35 ans).

La PMA/AMP regroupe des techniques comme :

  • La stimulation ovarienne,
  • L’insémination (IUI),
  • La fécondation in vitro (FIV/ICSI),
  • Le don de gamètes,
  • Voire le recours à une gestation pour autrui (selon les pays).

La PMA est efficace, mais pas magique. Les taux d’enfants nés selon ce procédé varient selon :

  • L’âge,
  • Le diagnostic,
  • Le nombre de cycles,
  • Le laboratoire,
  • La santé globale,
  • et la chance biologique.

Ce que la PMA n’est pas

  • Pas une promesse contractuelle. C’est une probabilité.
  • Pas un simple protocole à suivre. C’est un engagement physique, émotionnel, et financier.
  • Pas une revanche sur le corps. C’est un dialogue – parfois rugueux – avec lui.

La mécanique psychique de l’attente et de l’échec

L’ascenseur mensuel

Beaucoup de couples décrivent un cycle émotionnel stéréotypé :

  • Anticipation (pic d’espoir),
  • Hypervigilance (scruter le corps),
  • Verdict (règles, test négatif, fausse couche précoce), chute (désespoir, colère),
  • Re-engagement (on repart).

Répétée des mois ou des années, cette séquence épuise. Elle structure l’angoisse, tout est potentiellement un signal, et favorise la rumination et l’insomnie.

La médicalisation de l’intime

L’intimité sexuelle devient un acte programmé.

Les rapports parce qu’il faut altèrent le désir, nourrissent la culpabilité (si l’un n’a pas envie le bon jour), et déplacent la tendresse vers la performance.

Beaucoup de couples rapportent une baisse de satisfaction sexuelle pendant la PMA, parfois des douleurs ou une aversion conditionnée.

L’idéologie du contrôle

Suivre un protocole donne une illusion : « si je fais tout parfaitement, ça marchera ». Mais la biologie ne suit pas les to-do lists.

Ce décalage entre ultra-contrôle (alimentation, compléments, sommeil, postures) et hasard biologique fait monter l’anxiété et, en cas d’échec, se retourne en auto-accusation.

Le coffre-fort sans combinaison

On vous dit : « Il y a un code ». Vous tournez les molettes (hormones, timing, hygiène de vie)… et le coffre reste fermé. Le bruit que vous entendez, c’est votre estime qui grince.

Hommes, femmes : deux manières de porter l’épreuve

Le paradoxe féminin : surexposée mais sous-soutenue

Les femmes subissent l’essentiel des protocoles médicaux (hormones, ponctions, transferts) mais aussi la pression sociale.

Le plus souvent, ce sont elles qui sont questionnées sur sa fertilité, son âge, ses choix de vie. Cette double charge – physique et symbolique – explique pourquoi les symptômes anxio-dépressifs sont plus fréquents chez les femmes en PMA.

Spécificités féminines observées

  • Culpabilité corporelle : « mon corps ne fait pas ce qu’il devrait » se traduit par auto-accusations et hypervigilance symptomatique.
  • Pression temporelle : l’âge maternel étant un facteur pronostique majeur, beaucoup vivent une course contre la montre particulièrement stressante.
  • Invisibilité des fausses couches précoces : deuils répétés mais socialement non reconnus (« ce n’était pas encore un vrai bébé« ).
  • Surinvestissement protocolaire : tendance à sur-contrôler alimentation, activités, comme pour « mériter » la grossesse.

L’angle mort masculin : la souffrance silencieuse

Les hommes représentent 30 à 50% des causes d’infertilité, mais leur vécu psychologique reste largement sous-étudié et sous-accompagné. Les consultations PMA sont souvent centrées sur la femme, reléguant l’homme au rôle d’accompagnant.

Spécificités masculines observées :

  • Menace identitaire : dans des cultures valorisant la virilité, l’infertilité masculine peut fragiliser l’estime de soi et l’identité sexuelle.
  • Évitement émotionnel : tendance à intellectualiser (« on trouvera une solution technique« ) plutôt qu’à verbaliser la détresse.
  • Pression de soutien : devoir être le pilier quand la partenaire souffre, sans avoir d’espace pour sa propre vulnérabilité.
  • Sexualité instrumentalisée : recueillir le sperme sur commande peut créer anxiété de performance et aversion progressive.
  • Exclusion progressive : sentiment d’être spectateur d’un processus médical centré sur le corps féminin.

Impact sur la dynamique de couple

Ces différences de vécu créent parfois des désynchronisations émotionnelles :

  • Elle a besoin de parler, il préfère passer à l’action.
  • Il minimise pour protéger, elle interprète ce qu’elle vit comme de l’indifférence.
  • Elle surinvestit les protocoles, il se sent dépassé par l’ampleur du contrôle.
  • Il propose des solutions pratiques, elle a besoin de validation émotionnelle.

Cercles vicieux fréquents :

Plus elle exprime sa détresse → plus il se sent impuissant → plus il se retire → plus elle se sent seule → plus elle exprime sa détresse.

Plus il propose des solutions rationnelles → plus elle se sent incomprise → plus elle rejette ses propositions → plus il se sent inutile.

Stratégies d’accompagnement différenciées

Pour elle

  • Normaliser la détresse sans la minimiser : « c’est normal de souffrir d’une situation anormale« .
  • Déculpabiliser le corps : « l’infertilité n’est pas un échec personnel mais un problème médical« .
  • Rituels de deuil pour les échecs : reconnaître chaque perte, même précoce.
  • Espaces d’expression libre sans devoir rassurer le partenaire.

Pour lui

  • Légitimer sa place : « vous n’êtes pas que l’accompagnant, vous vivez aussi cette épreuve« .
  • Consultation dédiée : temps d’expression sans la présence de sa partenaire.
  • Déconstruire les injonctions de force : « être vulnérable n’est pas être faible« .
  • Outils concrets de soutien : comment accompagner sans se perdre.

Pour le couple

  • Accepter les rythmes émotionnels différents.
  • Définir des rôles complémentaires plutôt qu’identiques dans le parcours.
  • Créer des espaces de non PMA : moments où l’on redevient « nous » et pas « nous qui essayons d’avoir un enfant ».

Cette reconnaissance des spécificités de genre ne vise pas à enfermer dans des stéréotypes, mais à mieux accompagner chacun dans son vécu singulier de l’épreuve.

Les conséquences psychosociales : l’addition cachée

Santé mentale

Les méta-analyses montrent une prévalence accrue de symptômes anxieux et dépressifs chez les personnes en parcours d’infertilité, surtout après échecs répétés ou fausses couches.

Chez certaines, l’angoisse prend une forme obsessionnelle (test multiples, hyper-contrôle), chez d’autres une dépression avec retrait social, anhédonie, troubles du sommeil.

Couple et sexualité

  • Sexualité chronométrée, perte de spontanéité.
  • Désynchronisation des rythmes émotionnels (l’un veut faire une pause, l’autre pas).
  • Conflits sur l’argent, les priorités, la communication avec l’entourage.
  • Honte et comparaison sociale : « tout le monde y arrive sauf nous ».

Dans certains couples, la PMA renforce l’alliance. Dans d’autres, elle fissure, non parce qu’ils s’aiment moins, mais parce qu’ils saignent plus.

Travail et finances

  • Organisation : absences pour examens, ponctions, transferts.
  • Pression : secret vs transparence au bureau.
  • Coûts : selon les pays, frais directs (médicaments, laboratoire), indirects (transports, congés), et parfois tourisme reproductif.

Le cumul : charge mentale + fatigue hormonale + logistique accentue l’irritabilité et la vulnérabilité.

Entourage et culture

Entre conseils non sollicités et silences gênés, l’entourage peut aider ou blesser.

Les normes culturelles :

  • Âge normal pour avoir un enfant,
  • Valeur sociale de la parentalité,
  • Place des familles recomposées,
  • Des couples de même sexe,
  • Des célibataires),

modulent le stigmate et l’isolement.

Ce que dit la recherche (sélection utile)

Santé mentale & infertilité

Des synthèses internationales (Europe, Amérique du Nord, Asie) pointent des taux plus élevés d’anxiété et de dépression chez les personnes infertiles vs témoins, particulièrement chez les femmes, mais les hommes sont concernés (symptômes souvent sous-déclarés).

Les échecs de FIV successifs et les fausses couches précoces sont des moments à haut risque d’épisode dépressif et de deuil complexe.

Les symptômes diminuent chez une partie des patient·es après un enfant né vivant, mais pas toujours. L’empreinte du trajet peut persister (peurs, hypervigilance, difficultés sexuelles).

Sexualité & couple

Les études européennes rapportent une diminution de la satisfaction sexuelle et une augmentation des dysfonctions (désir, douleur, érection, anorgasmie) pendant la PMA, avec un retour partiel après arrêt ou réussite.

La communication conjugale et le soutien perçu sont des facteurs protecteurs majeurs.

Données internationales

Europe (ESHRE)

Accès et prise en charge variables. En moyenne, l’âge maternel au moment de la FIV augmente ce qui réduit les chances par cycle mais améliore la naissance cumulée sur plusieurs tentatives.

Royaume-Uni (HFEA)

Campagnes de transparence sur les taux par tranche d’âge. Montée des cycles avec don d’ovocytes. Communication active sur le bien-être pendant la FIV.

États-Unis (CDC/ART)

Volume élevé de cycles, forte variabilité des coûts. Intérêt croissant pour les out comes psychologiques.

Pays nordiques

Registres populationnels riches, nuançant les liens entre infertilité, PMA et risques psychiatriques selon antécédents et contextes sociaux.

Références repères

ESHRE (rapports annuels), HFEA (UK), CDC ART (US), revues dans Human Reproduction Update, Fertility and Sterility, BMJ, Lancet Psychiatry.

Des équipes comme Boivin, Greil, Gameiro, Verhaak ont publié des synthèses influentes sur l’expérience psychologique de l’infertilité, la détresse pendant la FIV et les facteurs de résilience relationnelle.

Parallèles avec d’autres dépendances et deuils

Pourquoi on s’accroche parfois jusqu’au crash

On retrouve des motifs communs aux addictions comportementales (jeu, achats) :

  • Tolérance (« un cycle de plus »),
  • Coûts croissants acceptés,
  • Poursuite malgré les dommages (santé, couple, dette),
  • Craving (penser à la PMA en boucle).

Attention cependant: il ne s’agit pas de pathologiser le désir d’enfant. Il s’agit de reconnaître quand la trajectoire devient auto-destructrice.

Le deuil invisible

Chaque échec est un micro-deuil. Après un certain nombre de cycles, c’est un deuil cumulatif.

Ce qui pèse n’est pas seulement l’absence d’enfant, mais l’empilement des pertes (temps, argent, innocence, confiance dans le corps). Comme dans d’autres deuils (post-addictions, maladies chroniques), ritualiser les étapes aide.

Ce qui aide réellement (et ce qui ne sert à rien)

1) Clarifier le cadre, pas moraliser

Indicateurs

Chances par cycle et cumulées. Taux par tranche d’âge. Limites financières et émotionnelles.

Bornes

Nombre max de cycles avant pause, seconde opinion ou changement de stratégie (don, adoption, projet de vie sans enfant).

Ce cadre réduit l’angoisse (on sait quand s’arrêter) et protège le couple.

2) Prendre au sérieux la santé mentale

TCC/CBT, ACT (acceptation/engagement), thérapie systémique (Palo Alto) pour la communication et les patrons d’interaction :

  • Groupes de pairs : normalisation, partage de stratégies.
  • Soins du sommeil : hygiène stricte (écrans, horaires), traitement des insomnies.
  • Prévenir les traumas : proposer des débriefings après fausse couche, ponction difficile, échec.
  • Un screening simple (PHQ-9/GAD-7) en routine PMA détecte les situations à risques.

3) Protéger la sexualité (et la tendresse)

  • Désynchroniser la sexualité de la reproduction.
  • Instaurer des rencontres sans objectif procréatif.
  • Explorer d’autres formes de proximité (plaisir, massage, sorties).
  • Consulter tôt en sexologie si douleur et/ou désir en berne.

4) Renforcer l’alliance du couple

  • Réunions “logistique & émotion” hebdo (30 min) : ce qu’on fait / ce qu’on ressent / ce qu’on change.
  • Droit de pause pour l’un ou l’autre sans culpabilisation.
  • Règles de communication avec l’entourage (qui fait ou dit quoi, et quand).

5) Travailler avec l’employeur (quand c’est possible)

  • Aménagements : flex horaires, téléconsultations, justificatifs.
  • Confidentialité : limiter les explications, définir un référent RH.
  • Utiliser les droits existants (congés médicaux, accompagnement psychologique via l’entreprise le cas échéant).

6) Mettre le corps en condition « marathon »

  • Prioriser sommeil, exercice modéré, nutrition simple.
  • Réduire la consommation d’alcool et/ou de tabac, et prudence avec les compléments miraculeux.
  • Travailler la gestion de la douleur (respiration, anesthésie adaptée) pour ponction/transfert.

7) Prévoir les bifurcations (plan A/B/C)

  • Plan A : PMA jusqu’à X cycles.
  • Plan B : don d’ovocytes/spermatozoïdes (selon lois locales), accueil d’embryons.
  • Plan C : adoption (temps long) ou projet de vie sans enfant (qui est un projet, pas un échec).

Nommer ces plans apaise : on n’est pas au bord du vide, on tient une carte.

Europe, monde : des contextes qui changent tout

Accès et éthique

Accès

  • Remboursement/tarifs très variables selon pays. Âge limite, nombre de tentatives, ouverture aux femmes seules et aux couples de même sexe (fortes différences intra-UE et hors UE).

Éthique

  • Dons anonymes vs identifiants, encadrement de la GPA, statut des embryons, export-import des gamètes.
  • Tourisme reproductif : déplace les personnes et la charge émotionnelle (langue, isolement, logistique).

Soutiens sociétaux

  • Organisations de patients et psychologues spécialisés (Europe/US) : guides, groupes, lignes d’écoute.
  • Instances de régulation (HFEA UK, autorités nordiques) : data et transparence.
  • Écoles de pensée en psyché de la reproduction : approches intégratives, féministes, systémiques. Elles sont utiles pour sortir de la culpabilisation.

Ce qu’il faut cesser de dire (et quoi dire à la place)

À bannir

  • « Relaxe, ça viendra tout seul »,
  • « Tu y penses trop »,
  • « Vous n’êtes pas faits pour ça »,
  • « Et si vous adoptiez ? » (comme si c’était une rustine disponible en 3 clics).

À proposer

  • « Qu’est-ce qui vous aiderait cette semaine ? ».
  • « Souhaitez-vous que je partage/taise ce sujet ? ».
  • « Je peux t’accompagner à l’examen / garder un créneau après pour en parler ? ».

En bref, remplacer la solution par le soutien.

Lignes rouges : quand demander de l’aide rapidement

  • Idées suicidaires ou sentiment d’impasse totale.
  • Dépression persistante (> 2 semaines : tristesse, perte d’intérêt, sommeil/appétit perturbés, auto-dévalorisation).
  • Attaques de panique récurrentes.
  • Conflits violents dans le couple.
  • Addictions (alcool, anxiolytiques, jeux) comme auto-traitement.

La PMA n’est pas un examen que l’on doit réussir seul. C’est une épreuve qui justifie soins et renforts.

Réussir n’est pas un chiffre, c’est une santé préservée

Il n’y a rien de plus humain que le désir d’enfant, et rien de plus inhumain que de mesurer votre valeur à la seule naissance d’un enfant. La PMA peut être un chemin vers la vie. Elle ne doit pas être le couloir de la honte.

Protéger sa santé mentale, sa relation, sa dignité n’est pas un luxe. C’est la condition pour traverser la tempête, quelle que soit l’issue. Arrangez le parcours comme un marathon : ravitaillements, relais, pauses, droit de bifurquer, et droit d’arriver autrement.

Important

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Ceci ne remplace pas un avis médical. En cas de nécessité, contactez les services d’urgence.

Références & ressources

  • ESHRE (European Society of Human Reproduction and Embryology) – Rapports européens de l’AMP (tendances d’âge, cycles, naissances cumulées).
  • HFEA (Human Fertilisation and Embryology Authority, UK) – Transparence des taux par âge/centre, informations patient.
  • CDC ART Reports (États-Unis) – Données nationales sur la FIV et issues cliniques.
  • Boivin J., Gameiro S., Verhaak C., Greil A. – Travaux et revues sur la détresse psychologique liée à l’infertilité et la PMA (Human Reproduction Update, Fertility and Sterility).
  • WHO (CIM-11) – Classification et repères sur santé mentale, deuil périnatal.
  • Guides de soutien psychologique (sociétés savantes et associations de patients en Europe/US) : groupes, soins, sexualité pendant la PMA.

La cyber-dépendance : L’addiction aux écrans et aux jeux en ligne peut être un facteur de dépression et d’isolement social

Cyber-dépendance : quand l’écran devient une pièce sans fenêtre

Vous connaissez peut-être cette sensation : on vérifie « juste un truc », puis le temps s’estompe puis disparait comme du sucre dans le café. Deux heures plus tard, on a oublié pourquoi on avait allumé l’ordi.

La cyber-dépendance n’est pas un caprice de parent excédé ni une croisade de moines anti-pixels. C’est une réalité clinique et sociale où des comportements en ligne (jeux vidéo, réseaux sociaux, streaming, contenus adultes, trading compulsif, scroll sans fin…) finissent par prendre la main sur la vie hors-ligne : sommeil, relations, études, travail, santé mentale.

L’écran moderne, c’est un casino portatif dont la porte ne grince jamais. À chaque ouverture, il distribue des micro-récompenses imprévisibles, cette même programmation à ratio variable qui rend les machines à sous si collantes.

C’est aussi un buffet à volonté dans votre poche : abondance, zéro friction, et le cerveau qui oublie vite la satiété.

Le problème n’est pas le numérique, c’est l’architecture de nos usages, et la manière dont certaines plateformes et jeux maximisent la captation attentionnelle.

L’objectif n’est pas de moraliser, mais d’armer.

Pourquoi ce n’est pas juste une mauvaise habitude

Oui, tout le monde abuse parfois. L’addiction commence quand apparaissent des critères transdiagnostiques communs à l’alcool, au jeu d’argent ou aux drogues :

  • Tolérance (il en faut toujours plus pour le même effet),
  • Sevrage (irritabilité, agitation, dysphorie quand on coupe),
  • Perte de contrôle,
  • Priorisation de l’activité au détriment du reste,
  • Poursuite malgré les dommages (sommes dépensées, notes qui chutent, conflits, avertissements au travail).

Les bénéfices légitimes du numérique : quand l’écran connecte vraiment

Le piège du « tout négatif »

Avant de parler troubles et dépendances, posons les bases.

Internet et les écrans peuvent être des outils puissants de développement personnel et social. Ignorer cette réalité, c’est passer à côté du vrai enjeu. Il faut alors distinguer l’usage qui enrichit de celui qui appauvrit.

Quand l’écran soigne l’isolement

  • Pour les personnes à mobilité réduite, en zone rurale, ou socialement anxieuses, les communautés en ligne peuvent être des bouées de sauvetage sociales. Discord pour les gamers introverti·e·s, forums de patients pour les maladies rares, cours en ligne pour ceux qui ne peuvent se déplacer. Ces espaces créent du lien là où le « monde réel » échoue.
  • L’apprentissage démocratisé : YouTube University, Khan Academy, cours du MIT en libre accès. Pour beaucoup, c’est la seule porte d’entrée vers des savoirs autrefois réservés aux privilégié·e·s.
  • La créativité collaborative : de la musique produite à distance aux projets open source, internet permet des créations impossibles en solo ou en local.

Le critère discriminant : agentivité vs passivité

La différence cruciale n’est pas le temps passé, mais l’intention et le contrôle :

  • Usage agentique : je choisis quand, pourquoi, avec qui. J’apprends, je crée, je me connecte selon mes objectifs.
  • Usage subi : je subis l’algorithme, je consomme sans choisir, je suis aspiré·e malgré moi.

Un·e streamer passionné·e qui passe 8 heures par jour à créer du contenu n’est pas dans la même situation qu’une personne qui scrolle 8 heures sans but ni plaisir.

Ce que disent les classifications

L’OMS (CIM-11) reconnaît depuis 2019 le Trouble du jeu vidéo (gaming disorder) :

  • Perte de contrôle,
  • Priorité croissante donnée au jeu,
  • Persistance malgré les conséquences négatives,

sur 12 mois typiquement.

Le DSM-5-TR (APA) inclut l’Internet Gaming Disorder dans la section « conditions à étudier », avec des critères alignés :

  • Craving,
  • Sevrage,
  • Préoccupation, etc.

D’autres conduites en ligne (réseaux sociaux, pornographie, achats, trading) ne sont pas toutes codifiées comme troubles distincts, mais les mêmes mécanismes comportementaux s’y observent dans les formes sévères.

Point clé

L’association dépression et anxiété est robuste (de nombreuses revues systématiques le montrent), même si la causalité peut aller dans les deux sens. Ainsi, la dépression peut pousser à s’isoler en ligne et les usages excessifs peuvent aggraver l’humeur et l’isolement.

Comment le système t’attrape : mécanique addictive, en bref

Boucles de récompense & imprévisibilité

Les plateformes et jeux utilisent des boucles de récompense (likes, loot, niveaux, classements) et surtout l’imprévisibilité. Tout n’est pas gratifiant, mais parfois oui, ce « parfois » dope la dopamine plus qu’une récompense garantie.

C’est le cœur des mécanismes opérants (renforcement à ratio variable).

Design persuasif & friction zéro

  • Scroll infini (pas de « fin » naturelle),
  • Streaks (séries quotidiennes à ne pas briser),
  • Notifications rouges (couleur d’alarme),
  • Quasi-gratuité qui reporte la douleur financière dans le temps (abonnements, micro-transactions).

Ce ne sont pas des accidents de design, mais des incitations calculées.

Loot boxes et frontières du jeu d’argent

Plusieurs pays (Belgique, Pays-Bas) ont assimilé certaines loot boxes à des jeux d’argent et restreint leur usage. Les débats continuent ailleurs en Europe. Quand l’aléatoire a une valeur monétaire (même indirecte), on se rapproche des mécaniques du pari.

Dépression & isolement : ce que montrent les données

De grandes revues (par ex. Kuss & Griffiths : études européennes type EU Kids Online) observent :

  • Une corrélation entre usage problématique d’Internet/jeux et symptômes dépressifs, anxiété, idéation suicidaire dans certaines populations,
  • Des liens avec troubles du sommeil, retrait social, baisse de rendement scolaire ou professionnel,
  • Chez les adolescents, la solitude perçue et le harcèlement en ligne aggravent l’issue.

International

Asie de l’Est (Corée du Sud, Japon, Chine)

Politiques publiques volontaristes (campagnes, limites d’âge/temps pour les mineurs à certaines périodes), centres spécialisés.

Europe

Variations fortes, mais préoccupations autour des réseaux sociaux, de la pornographie et du temps d’écran scolaire/loisir.

Amérique du Nord

Montée des consultations pour « screen over use » chez adolescents/jeunes adultes. Recherche active sur l’impact des réseaux sur la santé mentale.

À retenir

L’intensité, la fonction et le contexte (solitude, harcèlement, précarité, troubles préexistants) pèsent plus que la simple durée.

Parallèles avec l’alcool, la cocaïne, le jeu d’argent… et pourquoi ce n’est pas la même chose

Commun : le circuit de la récompense

Dans tous les cas, indices (cues) → anticipation → dopamine → renforcement des circuits habituels. Le cerveau apprend ce qui marche pour réduire l’ennui, la détresse, l’anxiété — et automatise.

Différent : la molécule, l’objet, la norme

  • Aucune substance n’entre dans le sang. C’est une addiction comportementale.
  • La frontière avec l’usage normal est floue. On a besoin d’internet pour vivre/étudier/travailler.
  • Le coût social semble moindre à court terme (pas d’ivresse, pas d’overdose), ce qui retarde la prise de conscience.

Comorbidités fréquentes

Les formes sévères cohabitent souvent avec :

  • Dépression,
  • Anxiété sociale,
  • TDAH,
  • Troubles du sommeil,
  • Parfois spectre autistique.

Traiter la cyber-dépendance sans traiter le terrain, c’est souvent échouer.

Signaux d’alerte (checklist rapide)

Chez l’ado

  • Sommeil en miettes, réveils nocturnes pour quêtes/parties,
  • Retrait social, abandon d’activités avant aimées,
  • Absences, résultats en chute, mensonges sur le temps passé,
  • Irritabilité marquée à l’arrêt,
  • Dépenses cachées (micro-transactions).

Chez l’adulte

  • Hyper-connectivité professionnelle (joignable 24/7), incapacité à « couper ».
  • Jeux/scroll jusqu’au bout de la nuit, fatigue chronique.
  • Conflits de couple/famille, sexualité affectée par pornographie compulsive.
  • Endettement (loot, paris, crypto), procrastination catastrophique au travail.
  • Isolement progressif, humeur en berne.

Reconnaître la zone grise : usage problématique vs bénéfique

Au-delà des heures : les questions qui comptent vraiment

Plutôt que de se fixer sur le temps d’écran (métrique imparfaite), voici les vraies questions :

L’usage enrichit-il ou appauvrit-il ?

  • J’apprends quelque chose de nouveau ?
  • Je développe une compétence ?
  • Je crée du lien social authentique ou je fuis la solitude ?
  • Je choisis mes contenus ou je suis en pilote automatique ?

L’usage respecte-t-il mes priorités de vie ?

  • Est-ce que je sacrifie sommeil, relations, travail ou santé ?
  • Est-ce que j’ai encore du temps pour ce qui compte vraiment pour moi ?
  • Est-ce que je peux m’arrêter quand je l’ai décidé ?

L’usage correspond-il à mes valeurs ?

  • Je fais ce que je veux vraiment faire ou ce que l’algorithme veut que je fasse ?
  • Je me sens mieux ou moins bien après ?
  • C’est cohérent avec la personne que je veux être ?

Exemples concrets de zone grise

  • Le gamer compétitif qui s’entraîne 6h/jour mais maintient sa forme physique, ses études et sa vie sociale.
  • La personne dépressive qui regarde des séries 4 heures par jour mais pour qui c’est thérapeutique et transitoire.
  • Le créateur de contenu hyperconnecté par nécessité professionnelle mais qui sait poser des limites.
  • L’aidant familial qui trouve du réconfort dans les communautés en ligne de soutien.

Le problème n’est jamais l’outil en soi, mais la relation qu’on entretient avec lui, et ce qu’il nous fait gagner ou perdre dans notre vie globale.

Les conséquences psychosociales (la facture complète)

Santé mentale & physique

  • Dépression, anxiété généralisée, attaques de panique.
  • Troubles du sommeil (décalage circadien, insomnies de maintien), fatigue, céphalées.
  • Sédentarité : douleurs musculo-squelettiques, prise de poids.
  • Dysrégulation émotionnelle (irritabilité, impulsivité).

Sphère familiale et sociale

  • Conflits, perte de confiance, atmosphère d’hostilité.
  • Isolement : on évite les invitations pour rester en ligne.
  • Parentification inversée : ce sont les enfants qui « gèrent » un parent accro au smartphone, ou l’inverse. Il en ressort une bataille quotidienne autour du temps d’écran.

École & travail

  • Absentéisme, retards, baisse de performance.
  • Erreurs liées à la fatigue, accidents.
  • Difficulté à soutenir l’attention soutenue, projets inachevés.

Finances & juridique

  • Dépenses incontrôlées (loot boxes, abonnements, paris).
  • Litiges bancaires/familiaux.
  • Dans de rares cas, procédures disciplinaires ou pénales (fraudes liées au jeu, par ex.).

Sortir du piège : stratégie en 5 temps (réduction des risques → rémission)

Je ne propose ni « digital ascèse » irréaliste, ni incantations culpabilisantes mais plutôt un plan pratico-pratique :

1) Rendre visible l’invisible

Audit d’usage

Pendant 7 jours, noter :

  • L’heure de début/fin,
  • L’activité,
  • L’humeur avant/après.

Sur smartphone

  • Temps d’écran natif
  • Blocage des apps à l’heure (fonction « Temps d’écran »/« Bien-être numérique »).
  • Identifier les fenêtres critiques : tard le soir, après une dispute, après un échec, pendant les creux au travail.

2) Stopper l’hémorragie : règles non négociables

  • Hygiène de sommeil : aucun écran 60 – 90 minutes avant dodo. Réveil hors smartphone. La chambre est une zone blanche.
  • Fasting attentionnel : 2 créneaux/jour seulement pour réseaux/actu (ex. 12h30–13h00 & 18h30–19h00).
  • Kill-switch : app de blocage sur les heures rouges. Supprimer les notifications non vitales (noir et blanc si besoin, c’est moins stimulant).

3) Repeupler la vie hors-ligne (sinon le vide aspire)

  • Règle d’équivalence : 1 heure en ligne = 1 heure « vivante » programmée (sport, marche, cuisine, jam session, bénévolat).
  • Exposition sociale graduée si anxiété sociale : micro-objectifs (10 minutes de guitare, 1 page de livre, 15 min de course).
  • Soleil + transpiration : alliance la plus sous-estimée contre la dépression.

Quand ‘débrancher’ est un privilège : inégalités et cyber-dépendance

Le privilège de l’alternative

Dire à quelqu’un « sors, fais du sport, vois des amis » suppose qu’iel ait :

  • Les moyens financiers (abonnement salle, sorties, transports),
  • L’accès géographique (pas de désert médical/culturel/sportif),
  • Le capital social (un réseau, des compétences relationnelles),
  • Le temps libre (pas de double journée, garde d’enfants),
  • L’énergie (pas d’épuisement professionnel, de maladie chronique).

L’écran refuge : mécanisme de survie, pas de faiblesse

Pour un·e étudiant·e précaire dans 9m², Netflix peut être le seul loisir accessible.

Pour un parent isolé, les réseaux sociaux sont parfois la seule fenêtre sur l’adulte qu’iel était avant. Pour un·e ado d’une famille dysfonctionnelle, les communautés en ligne peuvent être plus saines que son environnement proche.

Criminaliser ces usages, c’est punir la pauvreté.

Stratégies adaptées aux contraintes réelles

Au lieu de « va courir en forêt » (inaccessible), proposer :

  • Micro-mouvements : 5 minutes d’étirements, escaliers plutôt qu’ascenseur.
  • Socialisation progressive : commencer par des interactions en ligne puis évoluer vers du présentiel quand possible.
  • Créativité à budget zéro : dessin, écriture, photo et retouches avec un smartphone.
  • Communautés locales : bibliothèques, centres sociaux, associations (souvent gratuits).

L’idée n’est pas d’accepter la résignation, mais d’adapter les solutions aux réalités économiques et sociales.

Vers une approche de justice sociale

La vraie question n’est pas « comment arrêter les écrans ? » mais « comment créer des conditions où chacun·e a accès à une vie riche hors-ligne ? » :

  • Espaces publics gratuits et accueillants,
  • Transports accessibles,
  • Offre culturelle et sportive abordable,
  • Lutte contre l’isolement des personnes âgées, handicapées, précaires,
  • Politique de la ville qui favorise les liens sociaux.

4) Protocoles 14 – 30 jours

  • Semaine 1 : couper les « hard triggers » (nuit, lit, toilettes — oui), et paramétrer les blocages.
  • Semaine 2 : réduire de 30–50 % les apps les plus collantes, supprimer et réinstaller seulement sur créneau.
  • Semaine 3–4 : réintroduire certains usages avec rituel d’ouverture/fermeture (timer + intention écrite).

5) Soins ciblés si nécessaire

  • TCC (CBT) et entretien motivationnel : efficace pour les conduites addictives comportementales.
  • ACT (acceptation/engagement) pour l’anxiété et l’évitement.
  • Thérapie familiale chez les ados.
  • Traitement des comorbidités (dépression, TDAH, trouble anxieux) et, parfois, médication sous supervision.
  • Groupes de soutien (pair-aidance) : contrats familiaux clairs (heures, lieux, conséquences).

Deux scénarios, deux sorties

Armel, 19 ans, top 1 % sur un FPS

Cycle

  • Coucher 3h, cours manqués, rupture amoureuse.

On vise une performance durable

  • Sommeil d’athlète,
  • Entraînement limité et structuré,
  • Pas d’écran la nuit,
  • Social hors jeu (lan party IRL, salle de sport).

Résultat

  • Niveau stabilisé,
  • Anxiété en baisse,
  • Études rattrapées.

Le but n’est pas d’éteindre le feu sacré, c’est d’enlever l’essence autour.

Claire, 39 ans, « toujours joignable »

Mail à 23h, Slack au petit-déj, doomscroll à minuit.

On bascule en « travail profond »

  • 2 blocs focus/jour,
  • Pas de push hors heures,
  • Smartphone banni du lit,
  • Marche de 20 min post-boulot pour couper.

En 3 semaines

  • Sommeil réparé,
  • Irritabilité divisée,
  • Productivité réelle en hausse.

Et la société dans tout ça ? (Industrie, école, politique)

Industrie & design responsable

  • Pari : et si la métrique reine n’était plus le temps d’écran, mais la satisfaction long terme ?
  • Loot boxes : transparence des probabilités, contrôle parental par défaut, limites de dépense, opt-in explicite.

École & milieux de travail

  • Pédagogie numérique (pas moraliste) : design persuasif, économie de l’attention, hygiène de sommeil.
  • Politiques d’email et de messagerie : plages silencieuses, modes « ne pas déranger » imposés.
  • Espaces sans écran (bibliothèques, salles de réunion courtes, « focus rooms »).

Public & régulation

  • Clarté sur la publicité ciblée aux mineurs.
  • Débats informés sur la qualification juridique de certaines mécaniques de jeu.
  • Accès facilité aux soins spécialisés (et formation des pros aux conduites en ligne, pas seulement substances).

Objections fréquentes (et réponses franches)

« Les écrans ne causent pas la dépression : corrélation ≠ causalité. » C’est vrai puisque c’est bidirectionnel et contextuel. Mais réduire les usages problématiques améliore souvent l’humeur, la concentration et le sommeil, ce qui suffit à briser des cercles vicieux.

« Les jeunes ont besoin de se socialiser en ligne. ». C’est vrai aussi sachant que l’hyper-connexion peut tuer la qualité de la socialisation. L’enjeu n’est pas de couper, mais de rééquilibrer.

« C’est juste une question de volonté. ». C’est faux ! C’est surtout une question de structure (repères, environnement, triggers), comme pour l’alcool ou la cigarette.

Réapprendre l’ennui, réapprendre la joie

La cyber-dépendance prospère dans l’ennui algorithmique : jamais rien à faire, toujours quelque chose à voir.

La sortie n’est pas une croisade anti-tech, c’est un art d’aménager sa vie. On ne gagne pas contre l’écran, on gagne pour quelque chose : le sommeil, les relations, la présence, le réel.

Quand on rempli sa journée de mouvements et de rencontres, l’écran perd son trône, et le casino portatif, faute de joueurs, éteint ses néons.

Mini-mode d’emploi (copiable dans une charte perso ou familiale)

  • Heures blanches : pas d’écran 1h 30 avant sommeil, ni au réveil la première demi-heure.
  • Zones blanches : table à manger, chambre, toilettes (oui oui…).
  • Créneaux : 2 fenêtres fixes par jour pour réseaux/actu (timer + intention).
  • Blocages : applications aux heures rouges,  notifications off par défaut.
  • Compensation : chaque heure d’écran « loisir » = une heure d’activité vivante et planifiée.
  • Check-in hebdo : sommeil, humeur, sociabilité, dépenses, travail/études. Ajustestements quand nécessaire.

Important

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Ressources

  • OMS (CIM-11) – Gaming disorder : critères officiels (2019).
  • American Psychiatric Association (DSM-5-TR) – Internet Gaming Disorder (section conditions à étudier).
  • Kuss, D. J., & Griffiths, M. D. (2017). Internet addiction and problematic Internet use: A systematic review of clinical research.
  • Przybylski, A. K., et al. (études sur motivation, besoin psychologique et jeu ; utilité pour comprendre l’engagement et ses excès).
  • Andreassen, C. S. – Bergen Social Media Addiction Scale : évaluer l’usage problématique des réseaux sociaux.
  • Brand, M., et al. (2019–2022). IFS model : modèle neuro-cognitif des addictions comportementales (cue-reactivity, contrôle exécutif).
  • EU Kids Online / JRC (Commission européenne) : rapports sur expériences numériques des mineurs en Europe (exposition, risques, opportunités).
  • Institut national du sommeil et de la vigilance (France) : effets des écrans sur le sommeil, recommandations.
  • Revue « Addictive Behaviors » / « Journal of Behavioral Addictions » : nombreuses méta-analyses sur jeux vidéo, réseaux, pornographie, achats.
  • Régulation loot boxes : positions de la Belgique et des Pays-Bas (assimilation à des jeux d’argent dans certains cas), débats UK/UE.