Imaginez Paul…

Paul est un homme brillant, respecté, mais il se sent pris au piège. Chaque fois qu’un projet professionnel majeur se profile, il se persuade qu’il n’est pas « assez bon ». Il se voit déjà échouer, analyse minutieusement tous les obstacles, et finit par saboter ses chances ou par se retirer.

Il est convaincu d’être un « auto-saboteur chronique », une certitude qu’il traîne comme un boulet. Paul, comme tant d’autres, pense contre lui-même, enfermé dans une logique qui le détruit.

Vous aussi, peut-être, vous reconnaissez dans cette spirale. Cette sensation d’être le propre architecte de vos impasses, prisonnier de vos propres certitudes. Vous avez tout essayé : la volonté, la pensée positive, l’analyse de votre passé… et pourtant, le schéma se répète.

Ce que vous croyez (et qui vous limite)

Vous avez probablement été biberonné à l’idée que pour changer, il faut d’abord comprendre la cause profonde de vos problèmes. C’est l’erreur numéro un, celle qui vous maintient dans l’impasse.

« Je dois comprendre d’où vient le problème pour le résoudre. »

Le Mythe

La croyance populaire veut que la racine de votre souffrance se trouve dans un trauma passé, une blessure d’enfance, ou un trait de personnalité inamovible. On vous pousse à explorer sans fin le « pourquoi » de vos comportements.

La Réalité

Cette quête du « pourquoi » est souvent une distraction. Elle ancre votre attention dans le passé, vous y retient, et vous empêche d’agir sur le présent. En cherchant sans cesse la cause, vous renforcez l’idée que vous êtes une victime de votre histoire, incapable de vous en affranchir. Vous devenez un archéologue de votre propre misère.

« Je dois changer ma personnalité ou mes émotions négatives. »

Le Mythe

On vous fait croire qu’il faut se débarrasser de votre anxiété, de votre jalousie, de votre colère, ou de cette partie de vous qui « pense mal ». Que ces émotions sont des défauts à éradiquer.

La Réalité

Tenter de supprimer une émotion ou un aspect de soi crée une lutte interne épuisante.

Plus vous résistez à une émotion, plus elle persiste. Ce n’est pas l’émotion le problème, mais votre réaction à cette émotion et la certitude qu’elle est « mauvaise » ou « dangereuse ». Vos tentatives de contrôler ce qui ne peut l’être vous piègent davantage.

« Je suis le problème / Mon problème est une maladie. »

Le Mythe

Vous finissez par vous auto-diagnostiquer un trouble, une faiblesse intrinsèque, une tare génétique. Paul pensait être un « auto-saboteur », un diagnostic qui justifiait son inaction et renforçait son impuissance.

La Réalité

Ce n’est pas vous le problème, c’est la solution que vous tentez d’appliquer qui entretient la difficulté.

Votre comportement actuel, aussi destructeur soit-il, est une tentative d’atteindre un certain équilibre (même un équilibre dysfonctionnel). Vous n’êtes pas « malade », vous êtes bloqué dans un système rigide de pensée et d’action.

Ce que j’observe : La prison systémique de vos certitudes

Mon expérience de 30 ans avec l’approche systémique de Palo Alto m’a montré une constante : les personnes comme Paul ne pensent pas contre elles-mêmes par masochisme, mais parce qu’elles sont prises dans des boucles interactionnelles rigides, des tentatives de solution qui sont devenues le problème.

Prenons l’exemple d’Isabelle.

Elle était convaincue qu’elle devait constamment vérifier le travail de ses collègues pour éviter des erreurs. Plus elle vérifiait, plus elle trouvait de petites anomalies (parce qu’elle les cherchait !), ce qui renforçait sa certitude qu’elle devait vérifier encore plus.

Ses collègues, eux, se sentaient dévalorisés et finissaient par être moins rigoureux, ce qui… devinez quoi ? Validait la certitude d’Isabelle ! Elle pensait agir « pour le bien », mais sa solution (le contrôle) créait le problème (la déresponsabilisation des autres).

Ce que vous vivez, ce n’est pas un défaut de votre personnalité, mais le résultat d’un système – souvent créé par vos propres interactions avec le monde et avec vous-même – qui tourne en rond.

Le confort de la prévisibilité

Même la certitude de l’échec est une forme de confort. Elle est prévisible.

Votre esprit préfère la certitude d’une douleur connue à l’incertitude d’une issue inconnue, même si cette dernière pourrait être meilleure. C’est l’essence même de l’inconfort qui forge l’esprit libre ; en fuyant l’inconfort de l’incertitude, vous vous enfermez.

La tentative de solution qui devient le problème

Vous essayez de gérer votre anxiété en la contrôlant ? Vous devenez anxieux de votre anxiété. Vous cherchez à rassurer un proche en le protégeant de tout risque ? Vous finissez par l’étouffer, et sa réaction valide votre peur initiale. C’est le paradoxe : plus vous essayez de « bien faire » avec votre logique actuelle, plus vous creusez votre propre tombe.

Le déplacement du regard : Briser le cercle vicieux

Oubliez la quête éternelle du « pourquoi ». La méthode de Palo Alto ne s’intéresse pas à l’origine du problème, mais à comment il se maintient ici et maintenant. Nous ne cherchons pas une « solution magique », mais un déplacement stratégique qui va casser la boucle.

Le but n’est pas de vous « transformer », mais de désamorcer la tentative de solution qui vous auto-détruit. Vous n’avez pas besoin de changer qui vous êtes, mais de changer ce que vous faites pour résoudre votre problème.

plan d'action pour sortir de la prison mentale

Plan d’Action : 3 Étapes pour Réveiller Votre Esprit Libre

Ce n’est pas une thérapie douce. C’est un engagement envers votre propre lucidité.

Étape 1 : Identifiez votre « Tentative de Solution Destructrice » (TSD)

Action

Observez concrètement ce que vous faites quand le problème se manifeste. Quand vous « pensez contre vous-même », qu’est-ce que vous faites exactement ?

  • Est-ce que vous sur-analysez ?
  • Évitez ?
  • Cherchez des justifications ?
  • Essayez de contrôler ?

Notez-le sans jugement.

Exemple de Paul : Sa TSD était de minutieusement analyser tous les risques avant même de commencer, ce qui le paralysait.

Exemple d’Isabelle : Sa TSD était de tout vérifier de manière excessive.

Étape 2 : Faites l’inverse (ou un tout petit peu différent)

Action

Une fois la TSD identifiée, faites délibérément quelque chose qui va à contresens de cette tentative.

Pas un grand saut, une micro-action qui vient casser le schéma. Si votre TSD est d’éviter, alors exposez-vous un tant soit peu. Si c’est de contrôler, alors lâchez prise sur un micro-détail.

Exemple de Paul : Au lieu d’analyser d’abord les risques, Paul s’est donné pour consigne de faire la première petite action concrète du projet sans réfléchir aux conséquences. Même si c’était juste envoyer un e-mail initial.

Exemple d’Isabelle : Isabelle a décidé de ne pas vérifier une seule tâche effectuée par un collègue, spécifiquement celle qui la rendait le plus anxieuse.

Étape 3 : Observez les effets (sans attente)

Action

Une fois l’action « à contresens » posée, ne cherchez pas le résultat immédiat. Observez simplement ce qui se passe. Le monde ne s’est pas effondré ? Quelque chose d’inattendu est arrivé ? Notez-le. C’est en faisant cela que vous désactivez l’ancienne logique et créez de nouvelles possibilités.

Exemple de Paul : En envoyant ce premier e-mail sans sur-analyser, Paul a remarqué que le ciel ne lui tombait pas sur la tête et qu’une réponse positive est arrivée. Cela a créé une petite brèche dans sa certitude d’échec.

Exemple d’Isabelle : En ne vérifiant pas, Isabelle a constaté que la tâche était faite correctement. Plus important encore, elle a noté la surprise de son collègue et un léger regain d’autonomie chez lui.

Sans doute avez-vous l’impression d’avoir tout essayé, de vous heurter à un mur invisible ? Ce n’est pas votre faute.

C’est la logique dans laquelle vous êtes enfermé.e.

Les exemples) de Paul, d’Isabelle, et de tant d’autres sont la preuve que la solution est souvent là où vous ne regardez pas. La vraie liberté ne se trouve pas dans le confort, mais dans l’audace de débrancher ce qui vous aliène.

Prêt(e à cesser de penser contre vous-même et à embrasser une clarté nouvelle ? C’est le moment de passer à l’action.

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Questions Fréquemment Posées – FAQ

« J’ai l’impression de me mentir à moi-même, c’est ça ‘penser contre soi’ ? »

Pas exactement. ‘Penser contre soi’ ce n’est pas un mensonge conscient, mais plutôt un piège logique où vos tentatives de ‘bien faire’ ou de ‘vous protéger’ finissent par créer le problème que vous voulez éviter. Votre esprit utilise des certitudes (souvent basées sur des peurs) qui, bien qu’elles semblent logiques, vous enferment dans des schémas autodestructeurs. C’est une stratégie qui tourne mal.

 

« Si je ne dois pas comprendre la cause, comment puis-je changer durablement ? »

La ’cause’ est souvent une distraction. Le problème se maintient dans le présent, via vos réactions et vos tentatives de solution actuelles. Le changement durable vient en brisant ces schémas rigides. En modifiant concrètement ce que vous faites et la manière dont vous interagissez avec le problème ici et maintenant, vous changez le système. La compréhension vient après l’action, pas avant.

 

« Faire l’inverse de ce que je fais, n’est-ce pas risqué ou déraisonnable ? »

C’est risqué… si vous sautez dans le vide. Mais il s’agit de micro-actions, de ‘tests mentaux’ délibérés. Le danger est de continuer à faire ce qui ne marche pas. La ‘déraison’ est souvent la porte vers une nouvelle logique. Si vos solutions ‘raisonnables’ ne fonctionnent pas, il est temps de tenter l’irraisonnable (mais stratégique). Vous apprenez à manipuler le problème, non à le subir.

 

« Cette approche est-elle vraiment différente de la pensée positive ou du ‘lâcher-prise’ habituel ? »

Totalement. La pensée positive vous demande de croire en quelque chose, cette approche vous demande d’agir concrètement pour tester la réalité. Le ‘lâcher-prise’ habituel est souvent une injonction vide. Ici, il s’agit d’un lâcher-prise stratégique : celui de votre tentative de solution inefficace. Ce n’est pas un conseil, c’est une intervention chirurgicale sur vos schémas destructeurs. On ne vous rassure pas, on vous déséquilibre pour mieux vous rééquilibrer.

 

Références et ressources

 

« Chevaucher son tigre : ou l’art de résoudre des situations difficiles« 

  • Auteur : Giorgio Nardone
  • Pertinence : Un guide pragmatique sur l’application de la logique stratégique pour déjouer les pièges de nos propres tentatives de résolution.